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LE PROJET DE LA COMPAGNIE
MOON PALACE

" Depuis le début de mon parcours de metteur en scène, j’ai toujours considéré l’auteur comme celui qui montre la voie, qui invente des formes, de nouvelles façons de nommer le monde. Nous traversons une époque extrêmement complexe à appréhender, à raconter, le lien social tend à se dissoudre. Les auteurs sont là pour nous aider à nous approprier notre histoire, nous aider à formuler, à communiquer entre nous. Je suis convaincu que ce sont eux qui s’emparent le mieux des problématiques de notre temps, et qui s’adressent le plus directement aux spectateurs d’aujourd’hui.

Dans ma pratique, je suis passionné par la démarche qui consiste à comprendre une écriture, avec son style et les motifs spécifiques qu’elle charrie, et d’essayer de trouver la forme théâtrale qui lui convient le mieux. Les spectacles que je fais sont souvent très différents les uns des autres. Je ne suis pas préoccupé par l’idée d’imposer une identité esthétique qui serait la mienne et que l’on pourrait reconnaître immédiatement à chaque spectacle. L’important pour moi est de respecter chaque texte dans ce qu’il a d’unique, de me laisser atteindre par la radicalité qu’il propose, pour essayer de trouver le rythme, l’univers visuel, le mode de jeu qu’il appelle dans son essence.

Il s’agit aussi, à chaque rencontre avec un auteur ou à chaque nouvelle création, d’inventer de nouvelles formes de collaboration, en fonction du texte, de la personnalité des auteurs, ou de l’évolution de la relation. Ce peut-être simplement d’inviter les auteurs à être présent en répétition, ou de les associer étroitement à la direction d’acteurs, ou encore, d’être pour eux, pendant les phases d’écritures, un interlocuteur privilégié, pour que la rencontre entre le texte et la mise en scène s’amorce bien avant le début des répétitions. Cette relation aux auteurs enrichit considérablement ma pratique et me permet un accès beaucoup plus profond aux textes. J’ai donc jusqu’ici essentiellement consacré mon énergie à la création de textes contemporains, et je souhaite continuer dans cette direction.

En fondant le compagnie Moon Palace en 2015, mon désir n’était pas seulement de créer des spectacles, mais aussi de m’investir dans la relation avec les publics. Artiste associé à la Comédie de Reims depuis 2013, cette expérience a suscité des rencontres qui ont nourri mon travail, que je n’envisage pas sans son rapport à la transmission et au partage. La pédagogie est aussi au cœur du projet de la compagnie. Formé à la mise en scène au Théâtre National de Strasbourg, dans ce lieu qui abrite à la fois un théâtre et une école, j’ai gardé ancrée en moi l’idée que le travail de création

et de transmission se nourrissent l’un et l’autre de manière extrêmement riche et profonde. Au-delà des interventions dans le cadre des écoles de théâtre, la compagnie travaille dans des structures où la pratique de théâtre peut contribuer à l’épanouissement personnel et favoriser le dialogue : les établissements scolaires et universitaires, les associations, les maisons de quartier et bientôt les prisons... La compagnie partage également pleinement le processus de création en ouvrant des répétitions, en proposant des rencontres publiques et des ateliers en lien avec les pièces en création. "

 

Rémy Barché, metteur en scène et directeur artistique.

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                 "C’était un studio au cinquième étage d’un grand immeuble avec ascenseur : une pièce de taille moyenne, avec un coin cuisine au sud-est, un placard, une salle de bains, et une paire de fenêtres donnant sur une ruelle. Des pigeons battaient des ailes et roucoulaient sur la corniche, et en bas, sur le trottoir, traînaient six poubelles cabosséées. Dedans, il faisait sombre, l’air semblait teinté de gris et, même par les journées les plus ensoleillées, ne filtrait qu’une pâle lueur. Après quelques angoisses, au début, de petites bouffées de peur à l’idée de vivre seul, je fis une découverte singulière, qui me permit de réchauffer la pièce et de m’y installer. C’était la première ou la deuxième nuit que j’y passais et, tout à fait par hasard, je me trouvai debout entre les deux fenêtres, dans une position oblique par rapport à celle de gauche. Tournant légèrement les yeux dans cette direction, je remarquai soudain un vide, un espace entre les deux immeubles du fond. Je voyais Broadway, une minuscule portion abrégée de Broadway, et ce qui me parut remarquable, c’est que toute la zone que je pouvais en apercevoir était occupée par une enseigne au néon, une torche éclatante de lettres roses et bleues qui formaient les mots MOON PALACE. Je la reconnaissais comme celle du restaurant chinois au coin de la rue, mais la violence avec laquelle ces mots m’assaillaient excluait toute référence, toute association pratique. Suspendues là, dans l’obscurité, comme un message venu du ciel même, ces lettres étaient magiques.

                                                                                                   MOON PALACE.

Je pensai aussitôt à l’oncle Victor et à sa petite bande, et en ce premier instant irrationnel mes peurs perdirent toute emprise sur moi. Je n’avais jamais rien éprouvé d’aussi soudain, d’aussi absolu. Une chambre nue et sordide avait été transformée en un lieu d’intériorité, point d’intersection de présages étranges et d’événements mystérieux, arbitraires. Je continuai à regarder l’enseigne du Moon Palace, et je compris petit à petit que j’étais arrivé au bon endroit, que ce petit logement était bien le lieu où je devais vivre."

 

                                                                                                                                                                     Moon Palace, PAUL AUSTER

Photos : La Truite, Joseph Banderet / Rapports sur toi (de mon chaoes est née une étoile filante), Antoine Reibre

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